Lac Titicaca (3). Le côté péruvien: Puno, Uros et Taquile

De retour sur le sol péruvien, nous dormons à Puno où la fête bat son plein pour la Chandeleur (Candelaría): défilés carnavalesques dans les rues, bière coulant à flots… C’est la célébration typiquement andine d’une fête religieuse!

Nous faisons une excursion (S/ 40) sur le Lac Titicaca au départ de Puno pour aller visiter les îles Uros et l’île de Taquile.

Les îles Uros.

Les îles Uros sont appellées îles « flottantes » car elle sont formées à l’aide de racines de roseaux et sont donc amovibles.

Comment faire son île flottante?

Rien de plus simple nous explique-t-on sur l’une d’entre elles.

Matériel requis: des roseaux encore des roseaux beaucoup de roseaux.

Mode d’emploi:

– Accrocher 20 x 10 m de racines terreuses de roseaux entre elles, à l’aide d’autres roseaux

– Empiler des roseaux coupés à la scie pour augmenter l’épaisseur du « sol »

– Construire sa maison en roseaux, puis fabriquer des barques, devinez quoi? en roseaux, si, si! Pour la cuisine, de la terre cuite et on isole du sol avec de la racine bien mouillée (sinon on a de grandes chances de finir en asado – barbecue – géant).

Listo!

La durée de vie d’une île est de 25 à 30 ans en moyenne. Les familles vivent sur la eme île, et en cas de dispute ou de fàcherie, il suffit de couper l’île à la scie pour se séparer les uns des autres.

Les 2 200 habitants sont répartis sur une petite cinquantaine d’îles et parlent l‘aymara.  La communauté Uros élit son président, son secrétaire général et son trésorier pour 3 ans et chaque île a son représentant. Ils vivent de la pêche et du tourisme.

La pêche leur fournit le poisson (truite et perche du lac) et… le roseau se mange aussi (apparemment riche en calcium, ce qui est pratique quand on ne vit pas sur le plancher des vaches). Et le roseau se mange aussi (apparemment riche en calcium ce qui est pratique quand on ne vit pas sur le plancher des vaches). Cela n’a pas vraiment de goût mais c’est plutôt rigolo à mâcher.

Depuis que Fujimori leur a fourni des panneaux solaires et donc l’électricité (synonyme de lumière après le coucher du soleil, de chauffage, de frigo, de téléphone et même d’Internet) les habitants des Uros se consacrent principalement au tourisme. Ils vendent donc de l’artisanat – pas très local car il faut acheter la laine à Puno – et les visites guidées sont quotidiennes. Sorte de « prostitution culturelle », ici les femmes ne se cachent pas quand on veut les prendre en photo, bien au contraire nous sommes accueillis par des signes de la main et des chansons! Rien de bien typique, et cela me rappelle le village dans la selva où nous nous étions déguisés en indiens… D’ailleurs pas mal d’habitants des îles n’en sont plus originaires et viennent y vivre pour le tourisme.

Un accueil très surfait mais des couleurs chatoyantes

L’île de Taquile.

Cette île est beaucoup plus authentique et naturelle: ici les habitants résistent fermement au tourisme de masse et conservent leurs traditions. Taquile mesure 7 kms de long et se situe à 3 950 m d’altitude sur le Lac Titicaca et pourtant on se croirait presque sur les hauteurs de criques méditerranéennes.

Photo: Guillaume

Avouons ici que le temps est particulièrement clément avec nous car le soleil brille au dessus de nos têtes alors qu’il devrait pleuvoir. Ainsi nous visitons cette île sous un ciel d’azur, les nuages s’accrochant dans les sommets de la Cordillère Royale sur les rives du Lac. De quoi nous faire rêver encore un peu alors que le bateau nous ramène doucement vers Puno et ses festivités.

La différence de culture entre Uros et Taquile est flagrante à travers les tenues des habitants

L'heure de la sieste

NB: Nous sommes à 16 341 kms de Delhi.

Le Lac Titicaca (1)

Par leur mauvaise compréhension du nom « tirtikarka », le rocher en forme de puma en Aymara, les Conquistadores auront fait rire des générations d’ écoliers  (vous voyez les déformatiosn scatophiles liées…). Le plus haut lac navigable du monde se trouve dans la Cordillère, au milieu de l’Altiplano à 3810 mètres d’altitude. D’une superficie de 8340 km carrés (175 kms de long) il marque la frontière entre le Pérou et la Bolivie et demeure un lieu sacré pour les populations andines.

C’était pour les Incas le berceau de leur civilisation puisque Manco Capac et sa soeur-épouse (oui l’inceste c’est mal) Mama Oqlo en sont sortis pour apprendre l’agriculture et la métallurgie aux hommes. Pour la civilisation Tiwanako, civilisation pré inca qui a regné sur la région pendant 3000 ans, l’Isla del Sol est tout aussi sacrée puisque le Soleil et la Lune y ont trouvé refuge.

Géologiquement, le lac a été formé lors de l’élévation des Andes par le Pacifique. C’est pourquoi le lac a un infime degré de salinité (il est abreuvé par les glaciers avoisinnants). Nous passons deux jours sur les rives du Titicaca pour visiter l’Isla del Sol en Bolivie puis les îles flottantes et l’île de Taquile côté péruvien, au large de Puno.

Arequipa et le cañon de Colca

2300 m d´altitude et 300 jours d´ensoleillement par an, cela change du Torres del Paine en Patagonie! Arequipa est LA (deuxième) ville du Pérou. Son centre historique est classé au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Et pour cause, la « ville blanche » vaut le détour. Nous l’avons fait.

Marquée par la religion, Arequipa regorge de couvents, monastères et autres églises. Le plus célèbre est le Couvent Santa Catalina (entrée: S/ 30 pour les étrangers, S/3 pour les étudiants péruviens, visite au son de la lettre à Elise et autres morceaux classiques, ce qui est très agréable).

Fondé en 1579 par une riche veuve, ce couvent est une véritable ville dans la ville: lavoir, cimetière, places et cloîtres se visitent au détour des allées aux murs peints en bleu ou orange vif.

Les cours sont ornées de peintures religieuses racontant les litanies et les différentes phases de l´âme  en état de pêché  jusqu´à l’état de grâce. En prenant un peu de hauteur nous avons une vue sur toute la ville et le volcan Misti, un des 3 volcans entourant la ville et culminant à 5825 m d´altitude.

Vue sur le volcan Misti

Vierge à l'enfant - Ecole de Cusco

On termine la visite avec une exposition de peintures religieuses de l´Ecole de Cusco (XVIe et XVIIe siècles).

Les religieuses, issues de grandes familles d´origine espagnole, pouvaient avoir jusqu´à quatre servantes ou esclaves, organiser des réceptions et vivre dans un certain luxe. Ainsi la plupart des cellules comportent une cuisine particulière (en sus de la cuisine et du réfectoire communs) et une chambre pour la servante! Devant tant de firvolité et de luxe, le Pape décide en 1870 de supprimer ces libertés: les nonnes devaient faire voeu de silence (pas pratique pour donner ses ordres aux servantes!). Pendant 300 ans il y a donc eu 450 nonnes et servantes vivant dans cette ville close; aujourd´hui elles ne sont plus que 30, et ont le droit de sortir et de parler depuis la visite de Jean-Paul II en 1985.

Après cette étape religieuse, nous repartons vers la nature et nous rendons au Cañon de Colca, à 180 kms d’Arequipa. C´est le deuxième canyon le plus profond du monde après celui de Cotahuasi (Pérou aussi). Contrairement au Grand Canyon du Colorado (USA), il est habité.

Après 4 heures de marche en descente, nous arrivons en creux du cañon. Devant le peu d´indications pour nous montrer la route, nous demandons notre chemin à un petit vieux (littérallement). Comme je n´entends pas sa réponse je demande à Marion de me la répéter, ce à quoi elle réplique « s´il avait des dents je comprendrais ». Nous arrivons cependant dans le village de Cosñirihua où nous dormirons car la fête de la Chandeleur bat son plein dans le village voisin de Malata (20 minutes de marche plus loin). Et nous nous retrouvons à partager une chambre avec des Français, dont Emeline, une camarade de la Catolica!

Malgré la fatigue et mon mal au genou nous participons à la fête et dansons avec des villageois, très accueillants. L´occasion pour Manon, Marion et Guillaume de goûter à l´Arequipeña, la bière locale, aux brochettes d´alpaga et aux picarones. Après nous être bien dépensés (doux euphémisme), un repas délicieux (un de mes meilleurs repas au Pérou) nous réchauffe. Un mate de coca et au lit, pour Marion et moi dans une chambre sans porte ni fenêtre (il n´y a que les trous) éclairée à la bougie.

Pour la remontée des 1000 m descendus la veille, Marion et moi sacrifions 50 soles pour remonter en un seul morceau (et surtout pour ne pas rater le bus) à dos de mulets.

La Cordillère Blanche – Huaraz

Au Pérou on distingue la Cordillère Noire formée des volcans andins de la Cordillère Blanche qui désigne les très hauts sommets enneigés de la Cordillère péruvienne.

Soutien à Luis Castañeda, actuel maire de Lima, candidat pour les Présidentielles de 2011

Chavín de Huantar

La femme (1): « Aborto yo! »


Aborto yo!

Tag sur un mur dans le centre: "Moi j'avorte!"

Quand j’ai vu ce tag dans le Centre de Lima il y a quelques semaines, j’ai été surprise. Une réaction logique et immédiate au Pérou aurait été d’effacer ces mots « Moi,  j’avorte! ».

Et en effet, il y a quelques jours dans San Isidro, quartier résidentiel huppé, et dans un combi, j’ai vu des autocollants montrant un bébé qui dit « No me hagas daño, dile no al aborto » [« Ne me fais pas de mal, dis non à l’avortement »].

Comme vous le voyez, l’avortement est un sujet sensible (peu de polémiques en réalité sur le sujet, par crainte) et son éventuelle légalisation divise les Péruviens. Attention! Il ne s’agit pas de légaliser l’avortement en soi, mais de dépénaliser l’avortement pour les femmes ou les jeunes filles enceintes à la suite d’un viol ou d’un inceste.

Pourtant l’enjeu est beaucoup plus large, comme ces quelques chiffres – édifiants – le montrent:

– chaque année, plus de 40 000 avortements illégaux concernent des adolescentes, les plus riches peuvent aller à Miami, les autres le font dans des conditions pires que les françaises-ante-1974.

– les adolescentes péruviennes présentent un taux de grossesse d’environ 13%: cela s’explique par l’absence de sensibilisation sur les risques liés à la sexualité, le regard pesant sur les jeunes filles utilisant la pilule, et la récente légalisation de la pilule du lendemain (2008)

– les abus sexuels sont à l’origine de 6 grossesses non désirées sur 10

Plusieurs facteurs explicatifs à l’interdiction de l’avortement et à sa difficile légalisation:

– Au niveau légal, la Constitution reconnaît qu’un être est une personne à partir de la nidation.

– La religion catholique (80% de la population est catholique, même si seulement 15% sont pratiquants) prohibe elle aussi l’avortement, apparenté à l’assassinat d’un être humain. Non les féministes n’existaient pas à l’époque de J.C.

– Dans ce pays machiste au possible, les droits de la femme ne sont pas prioritaires et donc c’est plus important de sauver un bébé, même issu d’un viol, que de soigner la victime de l’agression.

Le 22 octobre dernier, la commission chargée de revoir le Code pénal a voté en faveur de l’adoption d’un projet de loi sur l’avortement. Ainsi ce projet de loi est en bonne voie d’être voté. Mais rien n’est fait: l’avortement restera conditionnel, onéreux et surtout très mal vu au Pérou. Un petit pas en avant (toutefois pas encore accepté) qui ne réglera pas la question aussi rapidement.

En Inde, a contrario, l’avortement est légal. Dommage pour les catholiques qui se disent plus progressistes que les musulmans (12% de la population en Inde)!

Pour autant, les avortements visent surtout à sélectionner le sexe du bébé. En effet, l’Inde étant aussi machiste que le Pérou, mieux vaut avoir un garçon qu’une fille d’un point de vue position sociale. Mais contrairement au cas chinois, aucune mesure directe n’a été prise pour limiter cette tendance lourde; il y a donc actuellement un déficit de 10 millions de femmes en Inde.

Pour plus d’infos sur le cas du Pérou: http://altermondes.org/spip.php?article65